Mort de Sabine Weiss

Dans le HuffPost ce 29-12-2021

Mort de la photographe Sabine Weiss, dernière figure de l' »école humaniste »
Lauréate du Prix Women in Motion in 2020 de la photographie, Sabine Weiss considérait qu' »une bonne photo doit toucher, être bien composée et dépouillée ».
Le HuffPost avec AFP

DISPARITION – Dernière photographe de l’école française humaniste, Sabine Weiss s’est éteinte ce mardi 28 décembre à son domicile parisien, ont annoncé ce mercredi sa famille et son équipe dans un communiqué. Elle avait 97 ans. Cet été, Les Rencontres d’Arles lui avaient consacré une exposition comprenant de nombreux clichés inédits.

À l’instar de Robert Doisneau, Édouard Boubat, Willy Ronis ou encore Izis, la photographe franco-suisse a immortalisé la vie simple des gens, sans toutefois revendiquer une quelconque influence. “Je n’ai jamais pensé faire de la photo humaniste, avait-elle confié à La Croix. Une bonne photo doit toucher, être bien composée et dépouillée. La sensibilité des personnes doit sauter aux yeux.”

Pionnière de la photo d’après-guerre, cette technicienne hors pair, au parcours éclectique, en couleur comme en noir et blanc, aimait capturer les “morveux”, les “mendiants” et les “petits narquois” croisés dans la rue. Elle était également connue également pour ses photos de mode parues dans Vogue. Lauréate du Prix Women in Motion in 2020 de la photographie, Sabine Weiss a fait l’objet de quelque 160 expositions à travers le monde.

Figer les instants fugaces

Autour des années 1950, elle arpente, souvent de nuit, la capitale avec son mari, le peintre américain Hugh Weiss pour figer des instants fugaces: ouvriers en action, baisers furtifs, allées et venues dans les bouches de métro. “La capitale, à l’époque, baignait la nuit, dans de beaux brouillards”, avait-elle déclaré.

Dans ce qu’elle nommait “mes images de morveux”, elle accroche les sourires, les jeux ou les singeries de bouilles crasseuses aux vêtements déchirés. “C’est amusant de jouer avec les enfants de la rue”, disait celle qui a acquis son premier appareil photo à 12 ans, avec le désir d’avoir été le témoin de son époque et de dénoncer les injustices.

Née Weber le 23 juillet 1924 à Saint-Gingolph au bord du lac Léman, Sabine Weiss apprend à 16 ans le métier dans un célèbre studio genevois. Arrivée à Paris en 1946, elle travaille pour le photographe de mode Willy Maywald. En 1950, elle ouvre son studio dans le 16e arrondissement tandis que Doisneau l’introduit à Vogue et au sein de l’agence Rapho (devenue Gamma-Rapho).

“Photographiez les gens, les choses autour de vous”

Sabine Weiss fréquente les milieux artistiques, fait des portraits de Stravinski, Britten, Dubuffet, Léger ou Giacometti. Elle va travailler, et réussir, dans plusieurs registres : reportag, publicité, mode, spectacle, architecture.

“J’ai fait de tout dans la photo”, confiait-elle à l’AFP en 2020. “Je suis allée dans des morgues, dans des usines, j’ai photographié des gens riches, j’ai fait des photos de mode… Mais ce qui reste, ce sont uniquement des photos que j’ai prises pour moi, à la sauvette.” Prolifique et généreuse, Sabine Weiss lègue en 2017 200.000 négatifs et 7000 planches-contacts au Musée de l’Élysée à Lausanne.

Actuellement, “les gens ne photographient pas tellement autour d’eux, mais plutôt eux-mêmes”, constatait-elle auprès de l’AFP en 2020, en allusion aux selfies. Pour elle, ce sont toutes les traces de vie qu’il faudrait conserver au fil du temps. “Il faut dire aux gens: photographiez, photographiez les gens, les choses autour de vous. Dites-le !”